La petite chronique de Damien #5 : Handisens ? Mais qu'est-ce que c'est ?! (suite et fin)

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Voici la suite de l'interview sur Handisens (la première partie se trouve ici).

Tu restes humaine avec ses responsabilités. Selon toi, quelles sont les différentes difficultés liées à la vie sexuelle d'une personne handicapée ?

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Il y a des éléments plutôt connus. Le manque d'information à la sexualité ne crée pas uniquement des problèmes dans le cercle des personnes handicapées. L'accessibilité limitée des lieux freine les interactions sociales possibles et par conséquent, sexuelles.

D'autres éléments sont plus difficiles à accepter et sont encore dans l'ombre. Le sujet de la perversité du corps est central. Nous vivons dans une société de culte voué au corps parfait. Il est immortel, il est capable de tout mais au final, personne ne le possède. À son antagonisme, il y a le corps pervers dont fait parti le corps handicapé. Il est un corps qui ne rentre pas dans ce cadre de corps parfait. Les réactions à son encontre deviennent alors négatives. L'angoisse de mort et cette finitude que représente le corps handicapé est insupportable pour autrui.

Même la personne âgée devient ce corps pervers. La sexualité est inimaginable pour ces corps différents. Des couples sont alors séparés en maison de retraite. Le milieu médical possède plein de déviance dans ce domaine où le patient ne devient alors qu'un objet. Ce toucher « technique », comme dit plus haut, amène à ce que j'appellerais à une « non bientraitance ». Le personnel n'est pas toujours conscient du mal qu'elle est capable de faire. Dans le cas de la maltraitance identifiée, la personne coupable est consciente de ces actes et ressent un certain plaisir. La relation soignant/soigné est souvent décriée par la proximité que possèdent certains soignants et patients. Mais elle le devrait être tout autant où l'équilibre bascule de l'autre côté, où le professionnel perd son professionnalisme.

La racine du problème est des fausses représentations véhiculées à l'encontre des personnes handicapées. Dans la réalité, les murs tombent et il faut tout réapprendre.

 

Devant tant d'obstacle, peuvent ils en surmonter certains ?

 

C'est mon but par cet atelier. Je souhaite les aider à trouver ces ressources pour aller au-delà. Chaque problématique est personnelle et individuelle. Ils doivent avant tout apprendre à être acteur de leur vie sexuelle.

L'assistance sexuelle a une certaine visibilité aujourd'hui. Qu'en penses tu ?

 

J'y suis moi même formée dans le cadre de mes recherches. J'en ai eu l'occasion auprès de Marcel Nuss, figure dans les écrits sur le handicap, en Alsace. Ce fut un moment extrêmement fort et extrêmement dur à la fois. La formation était constituée d'ateliers à faire des calins, des massages. Elle nous obligeait à une certaine proximité dont la société ne nous habitue pas. Bien que désagréable, elle m'a permis de sortir de ma zone de confort et à être meilleure à l'avenir.

L'assistance sexuelle est une solution nécessaire dans certains cas mais elle n'est pas LA solution. Elle est souvent confondue avec la prostitution mais elle ne se contente pas à l'acte sexuel. Elle développe un réel processus de rencontre entre les assistants et les personnes handicapées. Je préfère alors utiliser le terme « accompagnement sexuel » pour éviter tout amalgame.

L'accompagnement sexuel peut intervenir dans des situations précises, telles que le couple handicapé. Comment recréer du lien entre ces deux êtres qui s'aiment malgré leurs freins respectifs ? Il n'est d'ailleurs pas toujours question d'argent, autre différence notable avec la prostitution. Ce n'est pas à la portée de n'importe qui, l'assistance sexuelle demande une formation médicale ainsi que des appuis émotionnels solides. Il faut s'adapter à chaque handicap demandant certains gestes techniques propres. À la différence de ce toucher « technique » décrit dans le cadre médical, un toucher « humanisant » intervient dans cette rencontre, donnant l'occasion à la personne handicapée de se considérer autrement.

 

Penses tu que les personnes handicapées soient rendues asexuées par la société ?

 

Oui évidemment. J'en reviens à cette hypothèse du corps pervers où l'idée d'une vie sexuelle pour ce corps est impossible. Malheureusement, d'autres problèmes se joignent à ce dernier. Une problématique de genre apparaît dans cette société où le féminisme et cette question du genre est présente. Avant d'être homme ou femme, une personne est perçue comme handicapée. Elle rejoint la perception de la personne par son objet technique, comme le fauteuil ou la béquille. La personne n'est plus ce qu'elle est, elle est ce qu'elle a. Il existe ce besoin de poser des étiquettes chez l'être humain. Étiquettes qui deviennent des identités. À mon avis, une personne handicapée a un handicap mais n'est pas handicapée. Cette différence nuancée entre l'être et l'avoir a toute son importance ici.

 

As tu déjà entendu parler de « validisme » ? L'appliquerais tu dans le cadre de la vie intime et sexuelle ?

 

Je connais ce terme et je pense, en effet, qu'il s'applique totalement ici. Le validisme n'est, pour moi, qu'un terme pour désigner la norme sociale. Elle rejoint ce besoin d'étiquettes en ajoutant que la personne valide pense toujours avoir raison.

 Merci pour toutes ces réponses enrichissantes !

 Merci à toi.

Après cette entrevue agréable et généreuse (je remercie encore Elodie pour ce moment), j'ai participé à la rentrée de Handisens. Il semble que le succès ait été au rendez vous. 14 personnes étaient présentes alors que le groupe est censé être fermé à 10. Victime de son succès, la jeunesse a aussi pris d'assaut le groupe, ce qui réjouit Elodie. La mixité était déjà acquise dès cette rentrée où assistants de vie, personnes ayant un handicap et valides se partageaient le temps de parole.

Ce premier échange a été l'occasion de faire connaissance et de discuter des différentes raisons qui nous a amenés jusqu'ici. Elles sont diverses et variées, de l'acceptation de son corps et de son fonctionnement à quelque chose de plus précis, de l'ordre de l'« affectivo-charnelle » pour reprendre ce terme employé dans les discussions. D'autres ne seront pas bavards ou confidentiels, où une préparation a eu lieu avant leur venue mais ils sont présents. Dès ces premières conversations, des tabous sont évoqués, des questions « chocs » sont venues sur la table. Cette nouvelle année s'annonce pleine de promesses pour Handisens !

Pour ma part, je compte bien assister à chaque réunion mensuelle et parvenir au bout de mes interrogations personnelles.

Je vous invite à suivre la page Facebook Handisens ( https://www.facebook.com/HandiSens/ )et de venir nous voir si jamais vous vous sentez prêts.

D'autre article de la petite chronique de Damienici   

Damien

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