Un matin au Palais

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Thème : arrêt sur image
Montpellier Place Pierre Flotte

 

 

 

 

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8h15 Soleil au firmament, fraîcheur sous les frondaisons, architecture de belle ordonnance du Nouveau Palais de Justice, temps suspendu ... Bref hommage à Lamartine ... !

Accès handicapé à gauche toute, un agent de la Police Nationale ouvre la porte Sécurité-Incendie et me laisse pénétrer dans l'enceinte du Palais de Justice sans aucun contrôle. Emule de Mata-Hari en tenue de camouflage ? Comment savoir ...

Près de la porte à tambour trône un portique de détection, surveillé par deux agents de la Police Nationale, rien d'intimidant en somme.

Halte à l'Espace Accueil de la Grande Maison. Inaccessible aux P.S.H. Heureusement, j'ai le bras long ! Le préposé attrape ma "plainte au Procureur Général", en photocopie la première page ... tamponnée, datée, paraphée, formalité simplifiée, pas un mot, pas même un sourire.

J'avise le défibrillateur en évidence dans l'Espace Accueil, tente un cliché photo discret et me voilà admonestée comme une prévenue ordinaire.  

8h40 Repérage dans la salle d'audience dénommée Auguste Comte, natif de Montpellier. Posée comme une boîte d'un cru millésimé parmi d'autres boîtes aux secrets bien gardés. Je vérifie si la porte réservée aux juges est praticable, l'accès principal ne l'étant pas (sas et portes en 0.80 m).

Tour du propriétaire, direction les toilettes ; une flèche, puis une autre, puis une flèche barrée. Par chance, je croise un technicien, détecteur en main, à la recherche d'une fuite d'eau dans le sol. Le technicien zélé accepte de m'ouvrir la lourde porte du secteur réservé au personnel judiciaire. Couloir sans fin, portes pictographiées Hommes Dames P.S.H. Etiquettes barrées, rectifiées "privé". Cliché photo.

Je remballe et soudain un "homo erectus" hirsute sort du w.c. P.S.H. pestant contre un ennemi imaginaire et s'éclipse. Agité du bocal ?
J'accède au w.c. constate l'absence d'adaptation, seul l'espace de giration est O.K.

L'audience de référé, dédiée aux procédures d'urgence, fait salle comble.
Postée près de la porte, je suis visible de tous sauf de mon avocat, manifestement.

L'huissier audiencier annonce solennellement "LA COUR" !!!!
Le Tribunal s'installe, une grappe d'avocats mi-rapaces, mi-chauve-souris, s'agrippe au bureau de la juge. Ouverture de l'audience, appel des causes, demandes de renvoi.

Vingt minutes s'écoulent, mon nom est enfin cité, puis celui de mes adversaires. Je m'approche, la grappe s'agite, le brouhaha s'élève, le juge tente en vain d'obtenir le silence. Le greffière m'aperçoit enfin brandissant mon assignation. Sauvée !!!
Les avocats de mes adversaires demanderont le renvoi, fixé au 30 août 2016.
Tout ça pour ça.

9h30 Le Palais de Justice se vide. Ambiance hall de gare, un jour de grève générale. Le marbre du sol diffuse une fraîcheur salvatrice, 1h30 d'attente à combler jusqu'à mon rapatriement par le G.I.H.P.

Un aigle noir, crâne rasé, lunettes fashion striées de pourpre, me hèle : "-Mme X ?" "-Oui ?" "-Maître Y". L'apparition ne correspond pas du tout à l'image sonore de nos entretiens téléphoniques. Lui : "Vous avez les plans ?" Je suggère un lieu où nous poser ; une cellule vitrée s'impose à nous, offrant un espace restreint comme il sied à une cellule, deux chaises de jardin et une table rivetée au sol.
L'avocat, homme pressé, très pressé, m'accorde dix minutes de "speed dating". Echange de politesses, remises des plans en mains propres. Et puis ... rien !

10h Je poursuis ma ronde à l'affût du moindre indice. Distributeur de boissons fraîches, horloges électriques bloquées sur le 12 février 2015 à 11h30. Le courant passe, mais plus d'information, la faute à la fuite d'eau sans doute.
Dernier cliché orienté voûte céleste, la verrière en rotonde surplombant l'enceinte du Palais de justice, dix mètres plus haut. Propice à l'extase d'une nuit étoilée.

10h30 Une fillette d'environ quatre ans, attirée par la porte à tambour, échappe à la surveillance de son frère à peine plus âgé. L'agent de police en faction la ramène auprès de sa mère, empêtrée dans les démarches administratives au pôle accueil.

La fillette, trisomique 21, se calmera sur promesse d'une glace à la vanille, me décochera un regard empli de rêves et un sourire innocent.

C'était le 19 juillet 2016, cinq jours après le carnage de Nice, le lendemain de trois jours de deuil national.


P.S. A l'attention des néophytes, P.S.H signifie Personne en Situation de Handicap.

Mme DUBOURG







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